Bien choisir les marques à internationaliser
Géraldine Michel, professeure à l’IAE de Paris, directrice de la Chaire Marques & Valeurs
Article publié dans les Echos Sociétés, le 3 juillet 2018
Les entreprises réduisent leur portefeuille de marques à l’international. Mais attention aux spécificités des marchés locaux, aux traductions et à la lassitude des consommateurs vis-à-vis des marques globales.
Afin d’identifier les marques à internationaliser, les entreprises doivent sélectionner celles dont le potentiel multiculturel est important. Malheureusement, aucune méthode ne garantit le bon choix. Les entreprises doivent tenir compte de tous les éléments permettant d’évaluer la force présente et future d’une marque. Son chiffre d’affaires, sa notoriété, son degré d’internationalisation sont les éléments qui servent de base à la réflexion.
Rationaliser son portefeuille de marques
Il est également important de déterminer le potentiel d’extension de la marque. Le groupe Unilever a ainsi décidé de regrouper sous sa marque généraliste de dentifrice Signal ses autres dentifrices. Très Près, Gibbs et Pepsodent ont été supprimés car la marque Signal apparaissait, clairement, comme celle pouvant couvrir un plus grand marché international.
Dans le secteur du tourisme, de nombreuses marques disparaissent parce qu’elles ne sont pas assez fortes dans l’esprit du consommateur ou parce que les coûts marketing d’une stratégie multimarque deviennent trop élevés. Le groupe Accor a ainsi redéfini sa politique de marques à l’international dans l’hôtellerie économique autour d’Ibis. Ibis Style et Ibis Budget sont deux nouvelles marques qui remplacent respectivement All Seasons et Etap Hotel.
De même, afin de rationaliser son portefeuille de marques, le groupe Envergure a créé la marque Kyriad pour remplacer les chaînes d’hôtels Clarine et Climat de France. A l’inverse sur le marché américain, il était impossible de faire disparaître Motel6 ou Red Roof Inns, marques très connues localement. La relation des consommateurs à la marque est donc un critère important dans la sélection des marques à fort potentiel international.
Paramètres à prendre en compte
Pour choisir les marques à internationaliser, il faut également prendre en compte la compréhension du nom dans les différentes langues ainsi que sa disponibilité juridique dans les pays où l’entreprise veut s’implanter. C’est ainsi, par exemple, que le groupe Mars, détenteur de la marque de barre chocolatée Twix dans de nombreux pays, a été obligé en 1978 de baptiser sa barre chocolatée « Raider », en France, où le nom était déjà déposé. De même, pour des raisons de disponibilité de noms, la marque Kiri n’a pas pu s’implanter en Grande-Bretagne. Cette marque, déjà présente sur le marché des jus de fruits, rendait difficile le développement d’une même marque sur le marché fromager.
Mais bien souvent le problème inhérent aux marchés internationaux est lié aux difficultés de traduction. Le choix de noms a été particulièrement problématique dans le monde automobile. Ainsi, les interlocuteurs de General Motors en Amérique latine sont restés perplexes face au géant automobile lorsqu’il leur a annoncé le nom Chery Nova pour un nouveau modèle de voiture. En effet, « nova » signifie en espagnol « n’avance pas ». Le modèle Toyota Fiera fut controversé à Porto Rico où « fiera » signifie « horrible vieille femme ». […]
Au final, la rationalisation du portefeuille de marques consiste à préserver uniquement les marques fortes avec un fort potentiel international. Pour une entreprise, l’important n’est pas le nombre de marques qu’elle détient, mais le nombre de marques qui contribuent fortement à la croissance du chiffre d’affaires. La réduction du portefeuille de marques internationales paraît souvent la meilleure solution du point de vue de l’entreprise et de sa recherche de performance. Une seule ombre au tableau : le consommateur qui commence, sur certains marchés, à manifester sa lassitude face à des marques trop globales, trop puissantes.
Géraldine Michel, auteure de « Au coeur de la marque » aux éditions Dunod. – IAE Paris/Dunod
« Au coeur de la marque » par Géraldine Michel
Ce texte est extrait de l’ouvrage de référence en marketing « Au coeur de la marque. Les clefs du management de la marque » paru aux éditions Dunod. Son auteure, Géraldine Michel, est professeure à l’IAE Paris Sorbonne Business School et directrice de la chaire marques et valeurs.