Finis les coquelicots, Kenzo change de peau


Les fleurs et les sentiments, c’est de l’histoire ancienne. C’est fort de cette idée que Kenzo a lancé sa campagne publicitaire pour son nouveau parfum, Kenzo World, à la fin de l’été. Trêve de mièvrerie et de philosophie, à bas Chanel et Lancôme, il était temps de dépoussiérer les codes du parfum de luxe. Après quelques expériences dans le domaine du clip, c’est tout naturellement que Spike Jonze (« Her », « Dans la peau de John Malkovich ») s’est prêté au jeu.

Les maisons prestigieuses étaient figées sur leurs identités de marques classiques, répétant inlassablement les mêmes codes datés depuis des décennies. Kenzo, tout aussi sage, en était resté aux coquelicots anachroniques de Flower. C’est peut-être ce double ras-le-bol qui a donné l’étincelle pour ce réel virage dans l’identité de la marque, annoncé avec fracas par cette campagne pour le parfum World. Lancée sur internet, la publicité est devenue virale et s’est propagée comme une traînée de poudre dès son arrivée sur les réseaux sociaux, fait rare dans l’industrie. C’est par un cocktail explosif mêlant jeunesse, street-culture et transgression que la marque est parvenue à se doter d’une nouvelle image et de nouvelles ambitions de marché.

Mettant en scène Margaret Qualley dans une robe échancrée verte qui tranche d’entrée de jeu avec les costumes noirs mondains qui l’entourent, le clip survolté représente une femme moderne, libérée des entraves sociales et de la féminité stéréotypée. Beaucoup plus visuelle que les campagnes émotionnelles de Flower, Kenzo World joue sur les couleurs, la gestuelle et les grimaces, donnant un faux air tantôt tribal, tantôt ballerine, au mannequin rebelle. Les mouvements larges de l’égérie d’une nouvelle ère cassent avec les longueurs lancinantes traditionnelles et invitent le spectateur à en prendre plein les yeux, la forme du flacon en étant toute la symbolique.

Frais et moderne, le spot ne rompt pourtant pas avec la ligne directrice de la maison. Depuis longtemps en effet, Kenzo se distinguait par ses collections colorées et originales, un style anticonformiste qui se retrouve encore aujourd’hui dans sa collaboration avec H&M. La marque a réussi à oblitérer son image fleurie qui lui pesait, au point que les adeptes de Kenzo World n’auront pas à assurer leur interlocuteur que “ça sent bon” à l’annonce de leur parfum, ce qui était symptomatique de celles osant avouer “je porte Flower”.

À l’écoute de son époque comme de son marché, Kenzo a su créer le buzz en tirant parti des réseaux sociaux et du bouche-à-oreille, incontournables à l’ère du digital, et à insuffler à sa campagne un vent de jeunesse branchée là ou se traînaient encore, il y a peu, de vieux archétypes du chic. Forte et dynamique, belle et impressionnante, la nouvelle femme Kenzo se joue des conventions et des idées reçues.

Raphaël Le Sergent, Mathilde Libert, Elizabeth Madoré, Juliette Modolo et Alexandre Nassar

Master Marketing et pratiques commerciales, En apprentissage, 2016/2017
IAE de Paris, Université  Paris 1, Panthéon-Sorbonne