Révolution graphique et digitale, le pari réussi de Ricardo Tisci pour Burberry
25 novembre 2019
Casser les codes, tel est le nouveau crédo des nouveaux designers des maisons de luxe. En effet, ils n’hésitent pas à mettre leur patte sur le logo de marque dès leur arrivée. Un geste fondateur qui bouscule la vision patrimoniale de la marque et son symbole qu’est le logo. Un geste inenvisageable, il y a quelques années, alors que le périmètre du directeur de création se limitait aux collections, voire au design des boutiques. Même l’image et la publicité pouvaient sortir de ce cadre. Et cela a justifié des départs, après des années de frustration. 2018 se révèle un grand cru en termes de mercato ou de turn-over au sein des maisons de luxe et de changement de logo : avec l’arrivée de Hedi Slimane chez Celine, de Kriss Van Assche chez Berlutti et enfin du créateur italien Riccardo Tisci chez Burberry.
Plus particulièrement, le nouveau directeur de création de Burberry, Riccardo Tisci, imprime sa marque sur la maison britannique, qui change d’image et de vision stratégique. En effet, après une phase d’innovations digitales tous azimuts, la maison de luxe est confrontée à des bouleversements après le départ de son directeur de création Christopher Bailey et l’émergence de sérieux concurrents. Sous la houlette de Riccardo Tisci, venu de Givenchy, la marque est en train de présenter une image réinventée, un peu plus gothique et romantique. Une révolution au sein d’une des plus traditionnelles maisons britanniques.
Le styliste italien vient de présenter sa première collection prêt-à-porter pour Burberry pendant la Fashion Week de Londres, tout en œuvrant à la régénération de la marque. Il a annoncé récemment via Instagram une collaboration avec son idole Vivienne Westwood et entend bousculer le calendrier de présentation des créations.
Après la stratégie du see now buy now, la maison se lance dans les « drops », ces arrivages ponctuels rendus célèbres par Supreme. Ces « drops » font partie de la nouvelle volonté du groupe de distiller des nouveautés par petites séries à la fois en magasins, sur son site internet et directement en vente sur les réseaux sociaux. Ainsi, le 17 septembre, jour de son premier défilé, la marque a dévoilé des séries limitées pendant 24 heures, sur les comptes Instagram et WeChat de Burberry, ainsi que dans le magasin flagship de Londres. Celui-ci abrite aussi jusqu’en octobre une installation artistique baptisée « Sisyphus Reclined », symbole de l’ambition artistique de Riccardo Tisci.
Riccardo Tisci a également révélé sur Instagram un nouveau design pour le logo de marque et le monogramme Thomas Burberry, présentant un T et un B entremêlés dans les tons orange, miel et blanc.
C’est la première fois que la marque change d’identité en vingt ans et le directeur de création s’est inspiré des archives de la maison et s’est associé avec le graphiste britannique renommé Peter Saville pour l’occasion. Ce dernier a travaillé dernièrement pour Raf Simons et Calvin Klein.
Un changement perçu comme une manière de suivre les traces de Gucci, Prada et Fendi dans la volonté de profiter de l’engouement actuel pour les logos, et de générer le buzz avec une image inspirée des années 90.
Le PDG de Burberry, Marco Gobbetti, qui a précédemment travaillé avec Riccardo Tisci chez Givenchy, souhaite également limiter les ventes en magasins et mettre l’accent sur le e-commerce, comme le montre le partenariat signé avec le géant Farfetch. Il a annoncé que la marque mettait fin à la pratique de brûler ses invendus, et, dans le cadre d’un plan de cinq ans pour le développement durable, supprimait la fourrure des collections et allait devenir neutre en carbone. Cette démarche environnementale est réclamée par les jeunes générations, sensibles aux enjeux écologiques.
Par rapport à Gucci, Prada et Fendi, Burberry doit s’extraire de son héritage britannique et adopter une posture de marque de mode pour séduire les plus jeunes consommateurs, estiment les analystes. A l’image de Dior, qui, sous l’impulsion de Maria Grazia Chiuri, a su créer l’intérêt à travers des lancements constants de nouveautés dans les accessoires.
Le concurrent principal est évidemment Gucci et son directeur de création Alessandro Michele, qui séduit les jeunes avec une nouvelle esthétique et des produits désirables comme des ceintures, sweat-shirts et sacs monogrammés.
Ce choix de changement souligne une dynamique au sein de la maison de couture britannique : c’est en se plongeant dans les archives de Burberry que Peter Saville a trouvé l’inspiration. Le designer s’est ainsi réapproprié le patrimoine visuel et identitaire de la marque pour la révéler et la mettre au présent.
Le nouveau logo est épuré et augmente sa visibilité. La typographie, trouvée dans les archives, est initialement créée en 1908. L’utilisation du sans sérif modernise et ancre davantage dans l’intemporel, l’épaisseur des lettres apporte puissance et stabilité. Il est également rajouté England après London, ce qui positionne et localise la marque non plus juste comme londonienne mais maintenant anglaise : Burberry est davantage patriote. Plus minimaliste et moins délicat, le logo perd légèrement en singularité car son design rejoint celui des logos de Balenciaga, Saint Laurent voire Diane Von Furstenberg.
Quant au nouveau motif, il s’inspire d’une ébauche dessinée par le fondateur de la marque, Thomas Burberry, dénichée également dans les archives. Le célèbre désigner le fait ainsi revivre de manière dynamique et éclatante : les lettre T et B, initiales de Thomas Burberry, sont entrelacées et dévoilent un monogramme énergique et infini. La dynamique est complétée par l’utilisation des couleurs emblématiques de la marque, soit l’orange, le blanc et le beige. Ce motif apporte définitivement une touche moderne et radieuse à Burberry.
Vaste campagne dédiée au nouveau logo et monogramme Burberry pour marquer la rupture Christopher Bailey était resté 15 ans à la tête de la création du leader britannique. Pour s’émanciper de son empreinte, Riccardo Tisci a voulu frappé fort et vite. Des moyens très puissants ont été dégagés pour donner une visibilité maximale au changement d’identité de marque : encart 4 pages dans la presse, affichage en abribus, habillage des vitrines de la griffe à Séoul. Difficile de passer à côté que ce soit dans le paysage publicitaire ou sur les réseaux sociaux.
Pour la vénérable maison, tous ces changements et cette stratégie semblent être payants, puisque l’entreprise a annoncé une croissance de 3 % de ses ventes du premier trimestre en magasins soit 479 millions de livres. Ces résultats sont la conséquence directe de l’arrivée de Riccardo Tisci, qui a renouvelé l’attrait pour la marque aux Etats-Unis ainsi qu’auprès des touristes chinois en Asie-Pacifique. Une audace qui paie !
Par Toan Van,
Elève au Master Marketing et Pratiques Commerciales 2018-2019 de l’IAE Paris