L’effet persuasif des parodies politique : le rôle du contenu et de la source de communication


UNIVERSITE PARIS I- PANTHEON SORBONNE
Institut d’Administration des Entreprises de Paris
École doctorale de Management Panthéon-Sorbonne – ED 559
Equipe de Recherche GREGOR – EA 2474

L’effet persuasif des parodies politique : le rôle du contenu et de la source de communication

THESE soutenue 26/11/2021 à 14h
par
Nadr El Hana 

Jury

Directrice de recherche :
Madame Sabri Ouidade
Professeure des Universités, IAE Paris-Sorbonne, 
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Rapporteurs :
Madame Lichtlé Marie-Christine
Professeure des Universités, Université de Montpellier  

Monsieur Ngobo Paul
Professeur des Universités, Université Paris Dauphine

Suffragants :
Madame Batat Wided
Professeur des Universités, EM Normandie Business,
Business School, Metis Lab & Université Lyon 2              

Monsieur Helfer Jean-Pierre
Professeur Emérite, IAE Paris-Sorbonne, 
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Monsieur Bœuf Benjamin
Associate Professor, IÉSEG School of Management

Abstract
Si la parodie politique est une tradition ancienne, vivace dans la Grèce antique comme sous l’empire romain, florissante sous la troisième République, la parodie et les formes d’humour politique sont des ressources essentielles pour une démocratie (Hariman, 2008). La popularité des émissions telle que Canteloup sur TF1 n’a effectivement cessé d’être prisée depuis son apparition. Nous ajoutons à cela l’actuelle réussite des publications hebdomadaires telles que le canard enchainé et Charlie Hebdo, dont le dynamisme fait envie à toute la presse française, ou encore, le considérable succès de certaines parodies politiques pendant les dernières élections présidentielles sur YouTube qui enregistrent des millions de vues[1].

Internet permet non seulement aux politiciens mais à tout utilisateur ou média de diffuser du contenu. Ainsi, tout type de contenu qui capture l’imagination des utilisateurs ou des médias peut être partagé au clic d’une souris auprès de millions de personnes générant parfois des millions de vues et des milliers d’interactions. Ces contenus pourraient présenter une menace ou une opportunité pour les politiciens et la marque politique. 

L’engouement du public français pour la parodie politique a suscité l’intérêt de nombreux observateurs, politologues, sociologues et anthropologues qui se sont interrogés sur les raisons et la signification d’un tel succès. En effet, le public est en quête d’une alternative à la traditionnelle langue de bois de ceux qui les gouvernent, et cherche parfois une alternative à un discours dominant dans lequel leurs opinions ne sont forcément pas exprimées. Cet intérêt pour les parodies politiques rend l’impact de cette nouvelle forme de communication politique digne d’enquête. Notre thèse s’inscrit dans cette logique. Nous souhaitons explorer l’impact de la parodie politique sur l’attitude, l’engagement et le comportement politique du point de vue managérial en considérant l’homme politique comme étant une marque politique. En effet, nous avons pu identifier certains facteurs clés qui influencent l’évaluation de la parodie politique, et qui n’ont jamais été explorés par la recherche. 

Les recherches sur la parodie politique dans le domaine de la psychologie et/ou la communication et média présentent souvent des résultats contradictoires quant à son efficacité sur l’attitude et l’intention de vote. De plus, aucune recherche ne s’est intéressée à l’exploration de son pouvoir persuasif en se basant sur son type de contenu et sa source de communication. En outre, les mécanismes psychologiques à travers lesquels la parodie politique pourrait exercer des effets en se basant sur les dimensions identifiées à savoir le type de contenu, et la source de communication n’ont jamais été étudiés. 

Ce travail doctoral, positionné en marketing politique et plus précisément en communication politique, a pour objectif de répondre à la question suivante : Comment le contenu et la source de communication des parodies politiques impactent-ils l’attitude et l’engagement des citoyens ? pour répondre à cette question, nous distinguons quatre ensembles de sous-questions qui correspondent à quatre chapitres qui composent cette thèse. Tout d’abord, est ce que les politiciens devraient se soucier des parodies politiques lors de la gestion de l’attitude envers leur marque ? Quelles sont les dimensions clés qui caractérisent une parodie politique ? Les résultats de l’étude qualitative démontrent que le contenu et la prédisposition envers l’homme politique sont des dimensions clés qui caractérisent les réactions envers les parodies politiques tant du point de vue du parodiste que du politicien parodié, une matrice a été proposée pour mieux illustrer les effets de la parodie politique. Deuxièmement, est-ce que toutes les parodies politiques ont le même effet sur le politicien, quelles sont celles qui nuisent le plus à l’image de marque des politiciens ? Quel est le profil des citoyens qui sont les plus réceptifs aux parodies politiques ? En se basant sur une catégorisation des parodies politiques en fonction de leur contenu, nous avons conclu que les attaques portant sur un sujet politique génèrent un impact plus négatif sur la marque politique que les attaques qui portent sur la personnalité et la personne du politicien via le rôle médiateur de l’éthique perçue et de l’attitude envers la parodie. En effet, ceux qui sont exposés aux attaques personnelles les considèrent inappropriés, injustes et pas éthique. Notre étude démontre que les parodies politiques contenant des attaques personnelles peuvent engendrer un backlash principalement parmi ceux qui n’apprécient pas initialement l’homme politique. Troisièmement, quel est le rôle de la source médiatique de la parodie politique sur l’influence perçue ? Quel est le processus psychologique sous-jacent de l’impact de la parodie politique basée sur la source de communication sur l’influence perçue ? Nous montrons que les parodies générées par les médias (MGP) conduisent à une attitude plus négative envers la parodie et à moins d’influence perçue que les parodies générées par les utilisateurs (UGP), à travers l’intention de manipulation de la source perçue. Nos résultats suggèrent que les citoyens très sceptiques aux médias évaluent plus négativement le MGP que l’UGP. Quatrièmement, pour creuser encore plus le type de contenu présent dans les parodies politiques du point de vue du parodiste, nous nous sommes posé les questions suivantes : Quels sont les types d’attaques personnelles qui génèrent un engagement plus négatif sur les médias sociaux ? Quels sont les facteurs qui influencent les parodies politiques basées sur les attaques personnelles envers le politicien ? Quel est le processus via lequel les parodies politiques basées sur les attaques personnelles engendrent-elles un impact sur la valence de l’engagement dans les médias sociaux? les résultats montrent qu’en comparaison avec les attaques personnelles qui contiennent des stigmas contrôlables ( ex. les  critiques liés à la personnalité ), les parodies qui  comportent des stigmas incontrôlables (ex. les critiques physiques) produisent un engagement plus négatif sur les médias sociaux (likes, dislikes, commentaires) envers le parodiste et sa parodie via le rôle médiateur des émotions morales qui condamnent le parodiste. Paradoxalement, cet effet est plus présent chez ceux qui détestaient initialement l’homme politique car ils perçoivent le parodiste comme étant un membre de leur communauté partageant la même idéologie et orientation politique. 

D’un point de vue théorique, ce travail doctoral contribue à la compréhension de l’impact de la parodie politique considérant l’homme politique comme une marque personnelle ou ce qu’on appelle —personal branding­­­—, qui devrait protéger sa réputation dans les différents médias. En effet, la marque personnelle ou personal branding existe en politique depuis plusieurs années, ce concept est utilisé soit dans le cadre d’une stratégie de communication basée sur le co-branding entre la marque du politicien et la marque du parti politique ou dans une stratégie de communication de marque personnelle (Hughes, 2007). Même si parfois, il est compliqué d’associer l’homme politique à une marque (Heilburnn, 2016), notre postulat repose sur cette conception pour démontrer le basculement d’un modèle de mass-média vers un modèle consumériste de la communication politique (Scammel, 2006).

Dans cette thèse, nous avons mis en lumière les mécanismes de l’exécution des parodies politiques en révélant plusieurs processus de médiation et de modération. Les implications méthodologiques de ce travail sont doubles : nous avons utilisé une méthode d’analyse de contenu qui n’a jamais été mobilisé dans les recherches sur la parodie politique, en analysant toutes les parodies politiques publiées en France sur YouTube de 2012 à 2019, ainsi que différentes interactions (likes, dislikes, views), et nous avons aussi utilisé une méthodologie basée sur une analyse de 31 000 commentaires avec les méthodes algorithmiques de machine learning. 

Cette thèse contient des implications managériales pour les parodistes et les politiciens parodiés. Du côté du parodiste, cette thèse peut fournir certaines recommandations sur le type de contenu à mettre en avant pour discréditer le politicien et donc atteindre l’efficacité recherchée, ou le contenu à éviter pour ne pas créer un effet contreproductif et un backlash. Du côté du politicien parodié, ce travail doctoral guidera les politiciens pour se décider sur les parodies qui nécessitent ou pas une réaction. En effet, certaines parodies politiques qui se basent sur une critique non constructive, et ne faisant pas avancer le débat politique peuvent favoriser la réputation du politicien parodié. 

Mots clés : marque politique, parodie politique, attaque politique, contenu de la parodie, source de communication, influence perçue, attitude envers la marque, médias sociaux. 

The persuasive effects of political parodies: the roles of parody content and its communication source

Abstract

If political parody is an old tradition, alive in ancient Greece as under the Roman Empire, flourishing under the Third Republic, parody and forms of political humor are essential resources for a democracy (Hariman, 2008) . The popularity of programs such as Canteloup on TF1 continues to be popular since its appearance. We add to this, the current success of weekly publications such as Canard enchaîné and Charlie Hebdo, whose dynamism is envied by the entire French press, or even, the considerable success of political parodies on YouTube during the last presidential elections which recorded millions of views[2]

The Internet allows not only to politicians but to any user or media to disseminate and share content. So, any type of content that captures the imagination of users or media can be shared with a click to millions of people, generating millions of views and thousands of interactions. Such content could present a threat or an opportunity for politicians and political brand. The craze of the French public for political parody has aroused the interest of many observers, political scientists, sociologists, and anthropologists who have questioned the reasons and significance of such a success. Indeed, the public is looking for an alternative to the traditional political speech of those who govern them and is seeking for an alternative to the dominant political discourse in which their opinions are not necessarily expressed. This interest in political parodies makes the impact of this new form of political communication worthy of investigation. Our thesis follows this logic of reasoning. We want to explore the impact of political parody on attitudes, engagement, and political behavior from a managerial perspective by considering the politicians as political brands. Indeed, we identified some key factors that influence the evaluation of political parody, which have never been explored by literature. 

Research about political parody and its effectiveness on attitudes and voting intention in the field of psychology and communication and media often present conflicting results. In addition, no research has explored its persuasiveness based on its content and source of communication. Furthermore, the psychological mechanisms through which political parodies might exert effects based on its dimensions ­­—the type of content and the source of communication— have never been studied.

This doctoral work is positioned in political marketing and more precisely in political communication, it aims to answer the following question: how do the content and the communication source of political parodies impact the attitude and political commitment of citizens? to answer this question, we distinguish four sets of sub-questions which correspond to four chapters that compose dissertation. First, should politicians care about political parodies when managing their brand’s attitude? What are the key dimensions that characterize a political parody? The results of the qualitative study demonstrate that the content and the predisposition towards the politician are key dimensions that characterize the reactions to political parodies both from the point of view of the parodist and the parodied politician, a matrix has been then proposed to better illustrate the effects of political parody. Second, are all political parodies equally detrimental for politicians? What are the types of political parodies that are more harmful for politicians? What’s the profile of audience that might be receptive to it? Based on the categorization of political parodies by content types, we conclude that political parodies based on issue attacks is more detrimental than personal attacks via the mediating role of perceived ethics and attitude towards parody. Indeed, people who are exposed to personal attacks consider them as inappropriate, unfair, and unethical. Our results show that political parodies containing personal attacks could generate backlash mainly among those who initially disliked the politician. Third, what is the role of the media source on perceived influence? What is the underlying process that may impact the political parodies’ perceived influence? We show that media-generated parodies (MGP) lead to a more negative attitude towards parody and less perceived influence than user-generated parodies (UGP) because of higher perception of the source’s intention to manipulate. This mediating effect was significant only when individuals were highly skeptical of traditional media. Fourth, to deepen the content of political parodies form the parodist perspective, we asked ourselves the following questions: What are the types of personal attacks that trigger more negative social media engagement from the parodist perspective: What are the factors that influence the evaluation of political parodies based on personal attacks? What is the process through which political parodies based on personal attacks may impact social media engagement valence? The results highlight that compared to personal attacks that contain controllable stigmas (e.g., moral character attacks), parodies that feature uncontrollable stigmas (e.g., physical attacks) trigger more negative social media engagement (likes, dislikes, comments) towards the parodist and his parody via the mediating role of moral condemning emotions. Paradoxically, this effect is more significant among people who initially hates the parodied politician. This has been explained by the fact that they perceive the parodist as a member of their community sharing the same ideology and political orientation as them.

From a theoretical point of view, this doctoral work contributes to the understanding of the impact of political parody viewing politicians as political brands or what we call —personal branding­—. Therefore, politicians may want to protect their online and offline reputation. Indeed, personal branding in politics has existed in politics for many years. This concept has been applied in politics either as part of a communication strategy based on co-branding between the politician and the brand positioning of a political party or as an element of the communication strategy of a politician himself (Hughes, 2007). Although sometimes it is complicated to associate politicians to branding and Marketing (Heilburnn, 2016), our postulate is based on this concept to demonstrate the shift from a mass-media model to a consumerist model of political communication (Scammel, 2006).

In this doctoral work, we shed light on the working mechanisms of the execution of political parodies by revealing several processes of mediation and moderation and boundary conditions. The methodological implications of this work are twofold: we used a content analysis method that has never been used in research about political parodies by analyzing all political parodies published in France on YouTube from 2012 to 2019 as well as different interactions (likes, dislikes) related to those videos, and we also used a methodology based on an analysis of 31,000 comments with algorithmic machine learning methods. 

This thesis contains managerial implications for parodists and parodied politicians. From the parodist perspective, this thesis provides some recommendations on the type of content to push to discredit politicians and consequently being effective in social media networks, and underline also the content to avoid averting a counterproductive effect and a backlash. From the parodied politician perspective, this doctoral work guides the politicians to determine the political parodies that require or not a reaction. This thesis demonstrate that some political parodies based on a non-constructive criticism and does not advance the political debate may counterintuitively foster the reputation of the politician.                                                                                          

Keywords: political brand, political parody, political attacks, parody content, communication sourceperceived influence, brand attitudesocial media


[1] https://www.youtube.com/watch?v=l0AflOca17Y

[2] https://www.youtube.com/watch?v=l0AflOca17Y